« ARSENAL RÉPRESSIF », L’EDITORIAL DE JEAN-EMMANUEL DUCOIN DANS L’HUMANITE DE DEMAIN MERCREDI
Ils ont osé : nous y sommes. En toute conscience – et résolument contre
l’inconscience politique du temps qui est le nôtre –, ce que les députés de la
« majorité » ont osé voter, mardi 5 février 2019, restera dans notre Histoire
républicaine comme l’une des taches maculant ce qu’il nous reste de valeurs
collectives authentiquement enracinées. La Macronie est-elle devenue
l’antichambre de la droite extrême tout droit inspirée du XIXe siècle le plus
répressif ? Ainsi, la tristement célèbre « loi anti-casseurs » a été adoptée au
Parlement, hélas sans surprise. Une sorte de « loi de la peur », de « loi de
sûreté nationale », propice à toutes les « notes blanches » d’un passé révolu
qu’aucune juridiction de droit n’est jamais en état de discuter sérieusement.
Imaginez les conséquences de cette loi entre certaines mains…
Résumons. Les préfets, soumis au gouvernement, pourront donc interdire de
manifestation quiconque constitue « une menace à l’ordre public ». Exit la
justice et les juges ! Comprenez bien : ce texte n’a pas pour objet de mieux
réprimer les auteurs d’actes violents après qu’ils les ont commis. Il établit
en revanche un véritable contrôle administratif d’un droit de manifester.
Autrement dit, il s’agit d’une loi répressive par anticipation, une sorte
d’arsenal prêt à l’emploi permettant d’intervenir contre un citoyen avant même qu’il
ne devienne un « délinquant », ce qui, dans notre République, bafoue l’esprit
des lois et contrevient à tous les principes constitutionnels. Ce sont les
manifestations que le pouvoir entend limiter, pas les actes violents. Et c’est
le citoyen – dans sa citoyenneté même – qu’on intimide, pas le délinquant.
Nous n’oublierons pas de sitôt l’attitude des parlementaires macroniens
quand le député centriste Charles-Amédée de Courson (interviewé dans nos
colonnes par la suite) s’opposa à cette loi en invoquant le souvenir de ses
aïeux résistants, dénonçant au passage un texte digne du « régime de Vichy ».
D’un côté : une question d’honneur, celui d’un homme expliquant qu’une liberté
fondamentale risquait de disparaître, que les digues allaient sauter, que tout
était désormais possible. Et de l’autre côté : des députés croupions ricanants,
sans savoir qu’ils moquaient là, de leurs rires vulgaires, ce qu’ils étaient
censés représenter : l’État de droit. Honte à eux.
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