Déclaration de Sofia DAUVERGNE, Brigitte MORANNE et Samia AFROUNE, élues communistes de Romainville !
Madame
la Maire de notre ville a donc décidé de tirer sa révérence. Nous ne croyons
pas utile de commenter sa décision. C’est son choix. Nous nous attarderons
davantage sur les propos qui ont accompagné cette annonce. Assumer la fonction
de Maire durant plus de vingt ans, c’est faire des choix politiques,
accompagnés de satisfactions, mais également de déconvenues et d’erreurs.
Au-delà de la fierté, qu’occasionne une telle responsabilité, il convient de
savoir faire preuve d’humilité et de modestie.
Tel ne semble pas être le
cas de notre Maire et de son équipe municipale. C’est surtout une
autosatisfaction non feinte, qu’élues municipales, nous avons entendu. En 2010,
déjà, madame Valls nous avait asséné « sa » vérité. Dans un article
consacré à la rénovation du quartier Cachin. Elle avait déclaré :
« Romainville n’avait pas bougé depuis l’après-guerre ! La population
était paupérisée, l’économie ralentie, l’habitat vétuste… » Aujourd’hui,
elle nous dit : « Jusqu’à la fin des années 90, Romainville pouvait
se qualifier de « belle endormie », un peu schématiquement on y était
soit propriétaire d’un pavillon, soit locataire dans le social. Pas de parcours
résidentiel pour les habitants, pas d’offre pour les jeunes voulant s’installer
d’autant que les commerces de proximité disparaissaient l’un après l’autre.
Nous nous acheminions lentement mais sûrement vers une ville dortoir »
Emportée dans son élan, elle en a oublié la signification
du terme « ville-dortoir ».
Nous nous permettons ce bref rappel : « Une ville-dortoir, ou cité-dortoir,
est une ville avec
un marché du travail réduit et dont le principal but est de regrouper
des logements. Au lieu d'avoir une
activité dans cette ville, les habitants sont souvent employés dans une
importante cité voisine. Une telle situation entraîne des déplacements
pendulaires entre la ville-dortoir et le bassin
d’emploi. N’est-ce pas cette définition qui
s’appliquerait à merveille à notre Romainville d’aujourd’hui ? Il y avait
7582 emplois en 2000, 6701 en 2006, 6154
en 2011. Le site de la ville Romainville en annonce 5000, aujourd’hui.
Nous
vous livrons cet écrit, lu dans un document du Conseil général de
Seine-Saint-Denis sous le titre : « Portrait d’une ville :
Romainville » :
« Entre 2006 et 2011, le nombre d’emplois
sur le territoire communal s’est réduit de 8,2% passant de 6701 en 2006 à 6154
en 2011. Le nombre d’actifs, dans la commune est passé de 12 227 actifs de
15-64 ans en 2006 à 12 303 actifs en 2011, soit une progression de 0,6%.
En parallèle, le nombre d’actifs occupés a suivi la même tendance que celle de
l’emploi avec une diminution entre ces deux dates de 247 actifs occupés tous
âges confondus (soit une baisse de près de 2,4%). CELA NOUS MONTRE QUE
ROMAINVILLE EST UNE VILLE RÉSIDENTIELLE ». On ne saurait être plus clairs.
Et qui peut nier que cette tendance s’est encore aggravée ces dernières
années !
Affirmer par ailleurs, qu’il n’y avait avant
les années 90, que locataires dans le social et propriétaires de pavillons est
tout simplement grotesque. Comme beaucoup de nos concitoyens, parmi les plus
anciens, nous connaissons les nombreux appartements en accession à la
propriété, avenue Paul Vaillant-Couturier, avenue de Verdun, rue Jean-Jaurès, rue
de la République, avenue Henri Barbusse, rue Pierre Curie, route de Montreuil, l’îlot
des Fontaines…
Une fois encore, l’équipe municipale vante sa
politique d’aménagement et d’urbanisme. Elle nous demande de respecter son fil
rouge : « la mixité sociale et territoriale dans une démarche de
vivre ensemble ». Oui, élues municipales communistes d’opposition, nous le
répétons, sans avoir recours à la violence, nous sommes opposées à ces choix et
nous persistons ! Pour parvenir à l’objectif des 30 000 habitants,
maintes fois réitéré, les portes ont été grandes ouvertes aux promoteurs
immobiliers. Ils se sont précipités vers le foncier disponible, appartenant,
souvent, à la commune et à Romainville-Habitat, et cédé à des coûts « très
raisonnables ». L’essentiel des « bijoux de famille » a été
livré aux promoteurs, au point qu’après la vente de la Cité des Mares, décidée
récemment, il ne restera plus grand-chose à vendre. Et pour faire bonne mesure, nous avons été appelées à délibérer
au Conseil municipal, pour modifier 14 fois le Plan Local d’Urbanisme afin de répondre
aux sollicitations des promoteurs.
Élues municipales, habitantes de notre ville depuis
de très nombreuses années, nous adhérons à l’idée du Vivre-Ensemble. Cependant
pour la majorité municipale, il s’agit de tout autre chose. Ce serait plutôt
« chasser ces pauvres que je ne saurais voir ». Que nous disent les
chiffres du dernier recensement. En 2000, notre ville comptait 25 583
habitants. 26 031 en 2017. Autant dire, une grande stabilité. Il est
encore précisé que :
·
1 139 ménages ont emménagé depuis moins de 2 ans soit 2 636 personnes.
·
1 833 ménages ont emménagé depuis 2 à 4 ans soit 4 720 personnes.
·
2 074 ménages ont emménagés depuis 5 à 9 ans soit 5 794 personnes.
·
5 179 ménages ont emménagés depuis plus de 10 ans soit 12 183 personnes.
Si nous ajoutons à cela, qu’en 2017, le solde naturel est positif avec 450 naissances et 164 décès, il faut se
rendre à l’évidence, par milliers des jeunes, des familles ont quitté notre
ville ces vingt dernières années.
Pour quelles raisons ? Madame Valls nous en
donnait « sa » version, le 21 janvier 2016 : « C’est parce
que, nous disait-elle, trop de nos concitoyens vont chercher ailleurs un premier logement en location, un pavillon,
un appartement en accession, un nouveau cinq pièces… » Oui, mais
pourquoi ? Tout simplement parce que des milliers de familles, des
centaines de jeunes ne trouvent pas de logement correspondant à leur situation
sociale. Mais aussi parce que les prix de l’immobilier ont connu une telle
envolée…Qu’on accède à la propriété…mais plus loin…C’est ce que nombre de
sociologues appellent « la gentrification ».
Densifier, refuser une « mixité »
dans les nouvelles constructions, rejeter plus loin les couches populaires, tel
est le choix politique assumé par les élu-e-s de la majorité municipale. Ce
n’est pas le nôtre. Nous souhaitons être accueillantes pour celles et ceux qui
décident de venir résider dans notre ville, mais en restant solidaires des
familles qui souhaitent continuer à y vivre. « Quant à la belle
endormie », pour notre part, nous ne
tomberons pas dans un piège absurde. Celui consistant à comparer des époques,
des bilans et des histoires. Nous préférons prendre un peu de hauteur, en
portant fièrement nos valeurs de solidarité.
Rome ne s’est pas faite en un jour. Romainville
non plus. Pour s’en tenir à la période de l’après-guerre, elle se caractérise
par la reconstruction et les grands projets d’aménagement de la ville pour
répondre aux immenses besoins des habitants. Cette histoire continuera de
s’écrire au fil des générations. Comme toute construction, elle est faite
d’ombres et de lumières. Avec le recul nécessaire, il est utile de porter un
regard critique sur ces morceaux d’histoire, à condition de les replacer dans
leur contexte, sans jeter le bébé avec
l’eau du bain.
Cette préoccupation ne semble pas être celle de madame Valls.
« La belle endormie », « Romainville n’a pas bougé depuis
l’après-guerre ». Comment des raccourcis aussi simplistes, peuvent-ils
être tenus ? Certes les élu-e-s de la majorité municipale ont l’excuse de ne
pas avoir vu la joie sur les visages de ces milliers de familles quittant leur
taudis, leurs baraques en bois, sans eau, sans sanitaire, pour rejoindre leur
« palace » à Cachin, Gagarine, la Cité des mares, Jaurès ou Parat.
Tirons les leçons de ces expériences, mais n’insultons pas le passé. Dans quelques
années, peut-être aurons-nous à en faire autant pour les réalisations d’aujourd’hui, pourtant considérées, comme « intenses »
et « innovantes ». Pour notre part, restant humbles et modestes, nous
ne souhaitons pas que « la belle endormie » connaisse des réveils
douloureux.
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