« ÂPRE VÉRITÉ », L’EDITORIAL DE PAULE MASSON DANS L’HUMANITE DE DEMAIN JEUDI
C’était le 25 juillet dernier. La bombe Alexandre Benalla venait d’exploser
sur l’Élysée. En déplacement dans les Hautes-Pyrénées, Emmanuel Macron, ton
désinvolte et bras de chemise, lâchait devant quelques journalistes qu’il était
« fier d’avoir embauché » ce conseiller spécial à la sécurité. Le chef de
l’État pérorait même : la sanction apportée après les violences commises le
1er Mai était « proportionnée ». Il n’y avait pas d’affaire. Hier, les
conclusions de la commission d’enquête sénatoriale ont largué une décharge de
glaçante vérité sur ce qui devient un scandale d’État. Non seulement Alexandre
Benalla est accusé d’avoir menti sous serment, sur son rôle réel à l’Élysée,
sur ses passeports diplomatiques, sur le contrat de sécurité russe, mais la
protection dont il a bénéficié relèverait d’une accumulation de
« dysfonctionnements majeurs » au plus haut sommet de l’État.
Trois proches du président sont embarqués dans les soupçons de faux
témoignages. Depuis six mois, cet édifice du « tous menteurs » entretient le
sentiment de toute-puissance de Benalla, qui a pris l’habitude de nier avec
aplomb et de passer outre les décisions des juges. « La vérité, l’âpre
vérité », disait Danton. Elle rattrape enfin le justicier du président, qui
dort désormais en prison et se retrouve sous le coup d’une enquête pour
« entrave à la manifestation de la vérité ».
Il était temps. Combien de citoyens, de gilets jaunes ou jeunes de banlieue
sont traînés en comparution immédiate et condamnés pour moins que ça ! Cette
inégalité-là aussi exacerbe le sentiment de deux poids, deux mesures. Dans un
climat de grandes tensions contre la dérive autoritaire de la
Ve République, elle alimente le rejet des institutions et la facilité du
« tous pourris ». Pourtant, dans l’affaire Benalla, c’est bien la politique qui
vient de donner un coup d’accélérateur à la manifestation de la vérité, par la
voie du Sénat, cette chambre parlementaire si mal-aimée.
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