« TOTEM ET BITUME », L’EDITORIAL DE MICHEL GUILLOUX DANS L’HUMANITE DE DEMAIN MARDI
Comment cela ? Le « grand débat » n’intéresserait pas les jeunes des
quartiers populaires ? Pourtant, 153 d’entre eux ont eu l’occasion de vivre de
près l’intérêt du pouvoir à leur égard. C’était le jeudi 6 décembre dernier à
Mantes-la-Jolie. Raflés, mis à genoux, humiliés. Eux doivent être vraiment
enthousiastes à l’idée de faire des heures sup de QCM sous la houlette d’élus
locaux ou de députés déguisés en pions, qu’ils n’ont d’ailleurs plus en nombre
suffisant depuis belle lurette, comme les profs. Sans parler de la réforme des
lycées professionnels qui va casser tout ce qui avait été conquis et construit
depuis trente ans pour permettre à ces mêmes jeunes de ne pas être que de la
chair à patronat. Quant à ceux qui osent se rebeller dans l’enseignement
général contre là encore la logique de marché qu’instaure le ministre de l’Éducation,
une même violence se déchaîne, dont Louis Boyard, président du syndicat lycéen
UNL, a été la dernière victime en date samedi.
Il y a une autre petite musique des porte-serviettes du pouvoir qui
oppose les habitants des quartiers populaires aux gilets jaunes « ruraux ». Le
ministre de la Ville excelle autant que l’hôte de l’Élysée en ce domaine, lui
qui assène que les gens veulent « du travail, pas le Smic à 1 500 euros ». Il y
reprend au mot près les mêmes formules d’un autre inspirateur, Geoffroy Roux de
Bézieux, le président du Medef : parler de justice fiscale, avec le retour de
l’ISF ou le rétablissement de tranches d’impôt sur les hauts revenus serait
céder à la pensée magique infantile de la fiscalité par « totem ». Voilà une
face du discours qui éclaire bien le pourquoi de toute cette énergie mise à
diviser et à intimider. Le patron des patrons le disait ainsi dimanche : « Le
patronat a vécu longtemps à l’ère de “Vivons caché, vivons heureux”, ça ne
fonctionne plus. Mais expliquer, partager et dialoguer, ce n’est pas la
cogestion. Dans l’économie de marché, à la fin, c’est le capital, familial ou
boursier, qui décide ! » L’adversaire jusque-là muet est enfin obligé de sortir
du bois. Touché ? C’est qu’il se cabre, lui aussi, devant ce torrent d’appels à
l’égalité sociale qui alimentent les cahiers – de doléances, de colère,
revendicatifs – et la peur que le bitume devienne trait d’union, entre ce
premier « mardi de l’urgence sociale » et les « actes » à venir.
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