« UN PRÉSIDENT AUX CHAMPS », L’EDITORIAL DE PATRICK APEL-MULLER DANS L’HUMANITE DE DEMAIN LUNDI
Un agneau, un chevreau, un retraité… Le président de la République a tout
embrassé, samedi, au 56e Salon de l’agriculture, lors d’une journée
qu’il a étirée pour battre un record de présence. Les opposants, notamment
gilets jaunes, ont été tenus à distance pour ne rien gâcher de cette opération
de communication. Mais rien n’a germé de ces semailles électorales. Emmanuel
Macron n’a pas garanti aux paysans – notamment éleveurs et producteurs
laitiers – des revenus décents alors que des milliers d’entre eux sont
contraints à jeter l’éponge chaque année. Il n’a pas rassuré sur la réforme de
la politique agricole commune et ne s’est pas engagé pour que la grande
distribution accepte des prix rémunérateurs pour les producteurs. Il n’est pas
revenu non plus sur la baisse des aides aux agriculteurs bio et sur le report
bien au-delà de ses engagements de l’interdiction du glyphosate. Le sillon est
stérile…
Tout compte fait, pas de grain à moudre. Alors que l’agriculture
industrielle s’accompagne de sévères dégâts pour le climat et les écosystèmes,
de ravages des forêts tropicales et d’une stérilisation des sols, le président
s’inquiète du départ à la retraite d’un agriculteur sur deux dans les cinq ans
qui viennent, mais ne propose rien pour revivifier les campagnes. Pourtant,
l’instauration à l’échelle européenne de prix de base garantis pour une
quantité donnée de productions par exploitation et par secteur
– dégressifs au-delà – favoriserait l’installation de jeunes dans des
exploitations paysannes familiales, respectueuses de l’environnement. La
garantie d’un maillage dense de services publics dans les territoires
redonnerait de la vitalité au monde rural. Mais il faudrait prendre le
contre-pied du modèle furieusement libéral qui se fonde sur l’écrasement de la
rémunération du travail paysan et la surexploitation de la nature.
Dans ce domaine aussi, le « nouveau monde » s’avère terriblement vieux jeu.
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