« Violences d’État », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !
Les motifs
de censurer le gouvernement ne seront certainement pas épuisés cet après-midi
par les deux motions déposées par des députés de droite et de gauche. Fruit de
circonstances exceptionnelle, cette double censure venant de camps que tout
sépare d’ordinaire est le recours qu’il reste à l’opposition pour rétablir la
dignité d’un Parlement bafoué comme jamais par l’exécutif et ses relais à l’Assemblée
nationale, entravée par son travail d’enquête sur les brutalités d’un agent de
l’Élysée. Cette insurrection contre la violence faite à une institution au cœur
de la démocratie réunit dans un même
sursaut la droite républicaine non caporalisée par la République en marche et
la gauche par-delà les divisions de ses composantes.
Mais
cette violence institutionnelle ne vient pas de nulle part. Elle est le produit
d’un ordre politique qui théorise en tout la légitimité de la domination du
fort sur le faible, du « gagnant » sur le « perdant », du
riche sur le pauvre, de l’entrepreneur sur le salarié, du modèle économique de
la « start-up » sur le fonctionnaire ou le cheminot « à statut »,
en un mot : du libéral sur le social. De cette doctrine, rien de bon et de
juste ne peut sortir. Benalla et ses passe-droits sont le produit du même
système qui muselle le Parlement, démolit le Code du travail, réprime les
manifestants, méprise les syndicats et coupe les budgets des structures qui
viennent en aide aux plus pauvres. À l’instar des centres d’hébergement et de
réinsertion sociale, qui tirent la sonnette d’alarme sur les 57 millions d’euros
qui leur manquent – moins de 2% du cadeau annuel fait aux plus riches avec la
fin de l’impôt sur la fortune.
Violences
institutionnelle, sociale, policière ou para-policière vont de pair :
cela, seule la censure de la gauche en portera la signification profonde,
au-delà même de l’exposé des motifs circonstanciels qui accapareront les débats
des députés. Dans cette dimension élargie, oui, l’affaire Benalla interpelle
non seulement tous les démocrates, mais singulièrement les progressistes.
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