« Le rêve collectif d’un partage », l’éditorial de Patrick Apel-Muller dans l’Humanité de ce jour !
« Donner,
recevoir, partager : ces vertus fondamentales du sportif sont de toutes
les modes, de toutes les époques. Elles sont le sport », disait Aimé
Jacquet. Chacun les éprouve quand elles s’extirpent de la boue des contrats
mirifiques, des haines hooliganes et des calculs politiciens. La foule criait
sa joie, mardi, sur les Champs-Élysées comme dans les quartiers populaires,
ressentait comme sienne l’aventure collective d’une équipe de France qui se
veut exemplaire, faite de grandes gueules et de plus discrètes, de joueurs de
devoirs et de virtuoses, mais qui serrent les coudes sous l’orage des Diables.
Les défenseurs
qui marquent rappellent qu’il n’y a pas des premiers de cordée et des sherpas
mais un bloc qui réagit et s’adapte. « On gagne et on perd en équipé »,
martèle Zinédine Zidane. On sent les bleus capables de l’emporter en finale ou
d’assumer un éventuel échec.
La part
de rêve est immense mais est-on, au fond, autre chose que ses rêves ? Ceux
de la beauté des gestes, du tous ensemble qui rassemble, de l’inconnu qui
sourit ? Les songes souvent s’évaporent. Après le black-blanc-beur de
1998, resurgirent les spectres du Front national et de la xénophobie. Ils n’ont
pas disparu même si la pleine lumière d’un pays rassemblé ne leur convient pas,
leur discrétion de ces derniers jours en atteste. Mais le grand partage de 1998
a laissé une telle trace que les adolescents d’aujourd’hui espèrent l’éprouver
à leur tour. Ils ont déjà empoigné le témoin. L’élan populaire, même s’il est
dévoyé ou manipulé un jour, laissera une trace dans nos imaginaires et même
dans nos modes de vie. Voyez comme les jeunes femmes s’emparent désormais d’une
passion qui les délaisserait ! Le Mondial féminin, l’an prochain en France,
aura après cela une toute autre allure.
Une finale
perdue ne gommerait pas tout cela. Mais une finale gagnée renouvellerait l’alchimie
du plaisir, du bonheur co – llec –tif, de se reconnaître dans cet aveu d’Éric
Cantona : « Je joue pour me battre contre l’idée de perdre. »
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