« Bonheur », l’éditorial de Paule Masson dans l’Humanité de ce jour !
« Il
ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d’autre »,
disait Paul Éluard. C’est peut-être cela qui s’exprime au fond depuis la
victoire de l’équipe de France au Mondial, un besoin inassouvi, devenu si rare,
de pouvoir profiter à fond d’un trop-plein d’allégresse. Dimanche soir, à
nouveau hier avec le retour des Bleus en France, la nuit s’est étirée et le
jour la prolonge pour se compter nombreux, forts et joyeux dans la rue, se
parler même sans se connaître, se côtoyer sans barrières sociales, ni
frontières culturelles. Il s’agit d’une parenthèse, certes. Mais avouons qu’elle
dit quelque chose de profond sur l’aspiration à pouvoir être tous ensemble
heureux.
« Tous
ensemble. » Il y a déjà du monde qui cherche cette partie de la
parenthèse. Œuvre de récupération politique ou bataille d’interprétation,
quelles que soient les motivations, la gomme est sortie pour renvoyer dans l’invisibilité
la France qui vit ensemble. Le retour des idoles doit le plus vite possible
être assimilé au mérite des gosses, parfois partis de rien, ont su devenir des « premiers
de cordée ». Ceux-là auraient su vaincre les « inégalités du destin »,
ce culte de la réussite individuelle vantée par Emmanuel Macron lors de son
discours devant le Congrès.
Le chef
de l’État sait qu’il est attendu au tournant sur l’accusation de récupération
politique. Alors, il joue finement. Mais dans le vestiaire, dimanche soir, tout
à son espoir que cette coupe en or assimile son mandat à une France qui gagne
plutôt qu’au président des riches, il a lâché : « Cet exemple, vous
allez ME le porter ». Le lapsus est tellement révélateur ! Les 19
millions de téléspectateurs qui ont suivi France-Croatie, les millions d’heureux
descendus dans les rues pour fêter une équipe à l’exemplaire solidarité ont en
un mot renvoyés à leurs conditions de « losers », vous savez, ceux
qui n’ont droit au bonheur que par procuration.
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