"LA FACE CACHÉE DU POUVOIR ABSOLU ", l'éditorial de Sébastien Crépel dans l'Humanité du mardi 24 juillet
On avait coutume d’appeler
le locataire de la Place Beauvau l’homme le mieux informé de France. C’est
d’ailleurs la raison pour laquelle Nicolas Sarkozy avait décidé d’entamer sa
conquête de l’Élysée depuis cette place forte, qui lui conférait un avantage
sur ses concurrents. Avec Gérard Collomb à sa tête, désormais, le ministère de
l’Intérieur est l’endroit le moins connecté du pays, l’une des dernières
« zones blanches » de la République. Son occupant y vit à l’abri des
bruits du monde, en particulier ceux qui touchent de près ou de loin aux
responsabilités publiques dont il a la charge.
Benalla, qu’il a croisé au PC de
la police, le 1er Mai ? « Je
ne le connaissais pas. » Sa fonction, ce soir-là ? « Je
n’en savais strictement rien. » Son vrai métier ? « J’ignorais
sa qualité. » Les autres faits reprochés au garde du corps du chef de
l’État ? « Jamais entendu parler. » Par conséquent, ne sachant rien,
le ministre a préféré en faire le moins possible. Remonter les faits dont il a
eu connaissance dès le 2 mai au procureur ? « Ce n’est pas au
ministre de le faire. » Évoquer l’affaire avec le président ? Non
plus, car Emmanuel Macron se serait montré davantage « préoccupé de la
réforme constitutionnelle »… Circulez, il n’y a rien à voir, a semblé dire
Gérard Collomb aux députés qui l’ont auditionné hier sous serment. L’histoire
dira peut-être s’il a respecté ce dernier, tant ses dénégations semblent
irréelles.
En attendant, une ligne de
défense se dégage : l’exécutif va nier en bloc sa responsabilité et dévier
les regards vers des lampistes. Une attitude méprisable, qui éclaire la face
cachée du pouvoir absolu qu’Emmanuel Macron espérait s’octroyer, avant que ne
s’enlise pour le bien public sa révision constitutionnelle. En ayant raison sur
ce point de l’entêtement de l’exécutif, les oppositions à l’Assemblée nationale
ont montré combien l’équilibre des pouvoirs est un bien précieux à conquérir et
à promouvoir. Puisse cette crise renforcer le rôle indispensable du Parlement,
en levant désormais les obstacles à l’audition du principal intéressé :
Emmanuel Macron.
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