" De l'affaire Benalla à Adama ", l'éditorial de Laurent Mouloud dans l'Humanité du vendredi 20 juillet
Qu’ils sont loin les
selfies avec les héros de la Coupe du monde… Depuis jeudi, le scandale Benalla
jette une lumière crue et tristement réaliste sur les coulisses de l’État
jupitérien. Les exactions de ce proche conseiller de l’Élysée, et l’indulgence
dont il a bénéficié, confirment de manière spectaculaire bien des choses
jusqu’ici supputées. La violence institutionnelle dont n’hésitent pas à user
les hautes sphères de la Macronie. Mais aussi le degré d’hypocrisie dont elle
est prête à faire preuve pour la dissimuler.
Songeons qu’au lendemain d’un 1er
mai brutalisé, le président accablait les manifestants : « Je n’ai aucune
indulgence pour les grandes violences ou les tenants du désordre. » Au même
moment, un de ses collaborateurs déguisé en policier jouait des poings sur un
homme à terre dans une quasi-impunité. La garde rapprochée d’Emmanuel Macron
croit sauver la mise en expliquant avoir sanctionné promptement les « gestes
inadaptés » du chargé de mission. Elle a surtout réagi avec une mansuétude
coupable – quinze jours de suspension – et une volonté de dissimulation
répréhensible. Car, loin de simples « gestes inadaptés », Benalla est
potentiellement l’auteur de « violences par personne chargée d’une mission de
service public », ainsi que d’« usurpation de fonction ». Des délits passibles
de trois et un an de prison. Les premiers de cordée de l’Élysée le savent. Mais
ils ont préféré taper discrètement sur les doigts de leur boutefeu, laissant le
procureur de la République dans l’ignorance. Sans une révélation opportune,
Benalla continuerait à arpenter le Palais. Et ses supérieurs à tranquilliser
leur conscience dans un détestable esprit clanique.
Évidemment, cet épisode
déplorable, qui entache la crédibilité des propos présidentiels, va laisser des
traces profondes. Et nourrir le sentiment que l’appareil d’État entretient une
justice à deux vitesses, protégeant ses affidés, matraquant les autres. À
l’heure où la famille d’Adama Traoré s’indigne de la lenteur de l’enquête, deux
ans jour pour jour après la mort du jeune homme dans un commissariat, l’Élysée
ne fait rien pour les rassurer.
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