MOBILISATIONS. MANIFESTATIONS CLIMAT ET POLITIQUE : JE T’AIME, MOI NON PLUS
Près de 120 000 personnes ont manifesté, samedi, pour exiger des actions
immédiates en faveur du climat. Un mouvement qui se revendiquait apolitique.
Non sans nuances.
Des ours polaires à la mine offensive, des fleurs dressées comme des armes
de réaction massives, des slogans balançant entre alerte et humour… cinq jours
après la publication du rapport du Giec démontrant que la limitation du
réchauffement à 1,5 °C se joue tout de suite ou jamais, près de
120 000 personnes ont manifesté, samedi, à travers la France, pour exiger des
actions immédiates en faveur du climat.
Comme pour les marches qui avaient suivi la démission de Nicolas Hulot,
l’appel a été lancé via les réseaux sociaux, par des acteurs plaidant
l’apolitisme de la démarche. À Paris, où près de 30 000 personnes ont défilé
entre Opéra et République, syndicats, partis et même grandes ONG étaient
invités à déployer leurs banderoles en queue de cortège afin de laisser place à
un « mouvement créatif et populaire dans lequel toutes celles et ceux qui le
souhaitent peuvent s’impliquer ». Certains y ont vu une condition pour que la
mobilisation s’élargisse. D’autres, un rejet du politique n’offrant qu’une
perspective limitée de changement de fond. Le cortège, dans l’ensemble, portait
à tout le moins la volonté d’interpeller les décideurs, voire de pousser à
« transformer le système ». Alors, politiques ou pas, les manifestations pour
le climat ?
« Si se battre pour des valeurs, c’est faire de la politique, alors oui,
c’est ce que nous faisons », conclut Céline, après une minute de réflexion. La
vingtaine, des cheveux noirs qui lui retombent en cascade sur l’épaule et un
tee-shirt estampillé aux armes d’Alternatiba, elle arrive d’Argenteuil, dans le
Val-d’Oise, où son association tient, une fois par mois, une « gratiféria ».
« C’est une forme de marché non commercial, où chacun donne ou récupère
gratuitement des objets d’occasion », explique Céline, qui y voit une façon de
lutter contre une surconsommation coûteuse en ressources et en énergie. Une
échelle d’actions qui, en outre, lui convient, elle qui, sans manifester de
rejet des structures politiques classiques, explique ne pas y retrouver ses
petits. « Je préfère rester en dehors. J’aurais le sentiment d’être… dans une
case, de réduire mon champ d’action », poursuit-elle. « Savoir ce que je mange
et à qui je donne mon argent, c’est ma façon de voter », explique la jeune
femme, également engagée, via une Amap, dans la défense de l’agriculture bio et
relocalisée. « Je me retrouve plus dans ce type de mouvement, sans hiérarchie,
qui donne le même espace de décision à tous. »
«L’apolitisme fait
toujours le jeu de la droite ! »
Même génération, même remarque : Ségolène porte pour la première fois le
gilet jaune fluo d’ANV-COP21. « Il y avait un appel, sur les réseaux sociaux, à
venir aider à l’organisation de la manifestation. J’avais envie d’agir, j’ai
répondu, on m’a rappelée et voilà : j’organise », raconte celle qui, il y a
peu, militait encore à la Jeunesse communiste. « Bien sûr qu’il s’agit ici de
dire stop aux politiques climaticides », ajoute-t-elle tout en notant, à
l’instar de Céline, ne pas être sûre de trouver dans les partis l’outil qui lui
convient le mieux pour cela. « Si je devais adhérer, ce serait au PCF »,
note-t-elle sans flagornerie. « Mais, pour le moment, je me sens plus à l’aise
dans un mouvement où tous les points de vue se confrontent. »
Garance, même âge, est plus ouvertement méfiante à l’égard de la politique,
trop clivante à son goût. « L’apolitisme, c’est justement ce qui me permet de m’impliquer »,
précise la jeune femme, qui s’occupe de distribuer un « pacte finance-climat »,
déjà cosigné par une centaine de personnalités… dont Laurence Parisot. Aucun
risque de greenwashing nominal, venant de l’ex-patronne du Medef ? « Peut-être
un peu… admet Garance. Mais cela montre aussi que cette proposition est
réalisable, non ? »
« L’apolitisme fait toujours le jeu de la droite ! » peste pour sa part
Valérie, la trentaine, taclant ledit pacte et ladite signature. Près d’elle,
Sébastien arbore l’autocollant rouge du PCF sur la poitrine. Tous deux sont
militants dans le 12e arrondissement de Paris. « On se bat aux côtés des
cheminots contre la casse du fret ferroviaire ou pour remettre en circulation
le train de la ceinture verte », détaille-t-elle. « Ces luttes sont aussi
celles du climat. Mais la remise en question doit être plus globale, poursuit
la jeune femme. Les solutions existent partout, mais c’est faux de laisser
croire que tout le monde les défend. »
Marie-Noëlle Bertrand
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