« APOCALYPSE BRASIL », L’ÉDITORIAL DE PATRICK LE HYARIC DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !
Le plus grand pays d’Amérique latine – dixième économie mondiale –, le
Brésil, vient allonger la trop longue liste des pays basculant dans le
nationalisme d’extrême droite.
Le politicien de troisième zone qui vient d’y être élu n’a pour ligne
politique que la haine, l’apologie de la dictature, de la torture, du racisme,
de l’homophobie et de la misogynie, jusqu’au meurtre, surtout pour « les
rouges ». Derrière cette élection plane l’ombre de l’âme damnée de M. Trump, M.
Bannon, qui sévit aussi depuis quelques mois en Europe.
Cette élection ne profitera en rien aux pauvres des favelas de Rio, ni à la
classe ouvrière, ni aux peuples indigènes, ni aux paysans sans terre, ni aux
femmes, ni aux cadres. Il sera le président des grands secteurs de
l’agrobusiness et des trafiquants de bois contre la biodiversité, des grandes
firmes cotées en Bourse contre l’emploi, des évangélistes et des militaires,
des milices privées et de certains grands médias. M. Trump trouve ici un nouvel
allié de poids au cœur de l’Amérique latine contre l’accord de Paris sur le
climat ou comme soutien à Israël et ennemi du Venezuela et de Cuba.
Ces derniers mois de campagne électorale ont accentué tous les maux de la
crise qui taraude le Brésil. Et le refus de Bolsonaro de débattre avec le candidat
du Parti des travailleurs, Fernando Haddad, n’a été que le révélateur non
seulement de son inconsistance et de son incompétence mais surtout de son rejet
foncier de l’essence même de la démocratie, qui implique la confrontation des
idées et des projets. Son essor a pris racine dans la crise financière mondiale
de 2008 puis dans cette crise politique amplifiée par le coup d’État
parlementaire de 2016 contre Dilma Rousseff, qui avait eu le tort, selon les
milieux patronaux, de convoquer une constituante et l’outrecuidance de vouloir
réunir une commission nationale de vérité pour faire la lumière sur les
violations des droits humains perpétrées par l’État sous la dictature. Celle
que Bolsonaro défend justement. Ajoutons-y la récession économique, le désastreux
gouvernement Temer et cette prétendue opération « mains propres » qui n’avait
pour seul objectif que d’emprisonner Lula pour l’empêcher de se présenter à
cette élection présidentielle contre l’avis de l’ONU. Ce fut la version
brésilienne du « Hitler plutôt que le Front populaire ».
Ce nouveau coup de tonnerre dans la géopolitique mondiale risque de porter
ses violents éclats jusqu’ici avec le rejet de l’accord climat, le soutien à la
militarisation, l’amplification de la concurrence pour exporter encore plus de
produits agricoles en Europe. Au-delà, le nouveau modèle d’indépendance des
pays dits « émergents » des Brics risque d’être remis en cause. Et les
dirigeants américains trouvent un nouvel allié pour créer les conditions de
détruire tout projet de construction européenne alternative pour permettre aux
puissances financières de leur pays de renforcer leur domination au cœur d’une
crise économique inquiétant jusqu’à de nombreux cercles libéraux dans le monde.
Le débat politique en Europe et dans notre pays doit se nourrir
sérieusement de ce qui vient de se passer et aider à analyser sans œillères les
raisons de cette déflagration nouvelle. Les démocrates, les travailleurs, les
syndicalistes et tous les progressistes du Brésil vont avoir besoin sans
attendre de notre vigilance et de notre solidarité pour empêcher l’apocalypse.
Au-delà, notre responsabilité est immense pour contrecarrer cette nauséeuse
vague brune qui s’étale ici et sur le monde entier.
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