Injustice(s), de Jean-Emmanuel Ducoin, dans son bloc-notes de l’HD du 26 octobre
Jean-Luc Mélenchon et le «sacré».
Choc. Après avoir théorisé, dès 2010, l’entrée dans «la saison des tempêtes», ce qui justifiait à ses yeux la stratégie du «bruit et de la fureur» en tant qu’acte politique de combat permanent résumé en une seule formule: «Qu’ils s’en aillent tous!», Jean-Luc Mélenchon est-il allé trop loin, lors des perquisitions conduites dans les locaux de la France insoumise, à son propre domicile ainsi qu’à ceux d’une dizaine de ses collaborateurs? Désireux de la justesse des termes dont use l’ex-candidat à la présidentielle –particulièrement lui, eu égard à ses talents d’orateur que personne ne méconnaît–, le bloc-noteur s’est interrogé en l’entendant, ceint de son écharpe tricolore, hurler aux policiers: «Ma personne est sacrée», «la République, c’est moi!». Formellement, l’élu de la nation –surtout le législateur– peut revendiquer une sorte de statut «sacré», symbolique et concret. Oui, la République, c’est aussi l’élu, il en «représente» une bonne part comme corps constitué, mais un corps collectif et non individualisé… En s’adressant aux policiers et au procureur, Jean-Luc Mélenchon parlait-il en son nom ou au nom de la représentation nationale dont il est l’un des maillons? Chacun possède désormais sa propre interprétation sur le sens de cette phrase –«la République, c’est moi!»– éructée autant par émotion légitime que par colère, au point que certains se demandent si cette éventuelle ultra-personnalisation –moi contre tous– se raccorde bien avec les idées de quelqu’un qui aspire à un changement profond de nos institutions, à commencer par une dé-présidentialisation de notre République. Nous comprenons le choc subi: une perquisition est une mesure de police à la fois brutale et éminemment attentatoire aux libertés individuelles – droit au respect de la vie privée, droit au respect du domicile, droit de propriété notamment. Or, les perquisitions dont il s’agit n’ont sans doute pas été spectacularisées par hasard: ampleur de la mobilisation policière, cadre de l’enquête préliminaire qui ne permet pas l’exercice des droits de la défense et qui est entièrement sous le contrôle du parquet, lui-même dépendant de la chancellerie. Le leader de la FI avait-il tort de dénoncer une «offensive politique»?
Ambition. Comédie hypocrite d’un côté: haro politico-médiatique, toutes tendances confondues, sur le comportement «inadmissible» et «coupable» de Mélenchon. Victimisation surjouée de l’autre: mise en place de la théorie du complot forcément globalisé… Et si l’on se calmait un peu? Un responsable politique, même de tout premier plan, a le droit de crier contre ce qu’il croit être une injustice. S’il est exact d’affirmer qu’il y a souvent inégalité de traitement –les plus faibles en savent quelque chose!–, l’exercice de ce droit de critiquer de manière véhémente réclame néanmoins du sang-froid et, en vérité, une haute ambition de la parole publique. Pourquoi réclamer le même sort judiciaire que LaREM, par exemple, alors qu’on critique à juste titre le laxisme à l’endroit du parti macroniste, pour des accusations plus graves encore? Nous ne voulons pas d’une gauche qui soit «moins pire» que d’autres, mais irréprochable. Il en est de même avec la liberté de la presse. Si les journalistes sont parfois des «abrutis», jusques-et-y compris à Radio France, et si une majorité d’entre eux ont désormais pieds et poings liés aux groupes capitalistiques qui possèdent leurs titres et les assujettissent, le bloc-noteur sait trop que les appels au peuple à se soulever contre les médias ou à les «pourrir» ne résoudra en rien les fractures sociales et le sentiment croissant d’injustice qui radicalisent la sémantique. Le bloc-noteur aime trop moquer, ici même et fort souvent, la médiacratie comme les éditocrates à son service, pour sombrer dans la brutalité stérile du «tous pourris, tous vendus». La liberté de la presse, elle aussi, est sacrée. Se battre pour les conditions nouvelles de sa réalisation pleine et entière: voilà notre but. Qui ne nécessite aucunement le recours aux fantômes du passé.
Choc. Après avoir théorisé, dès 2010, l’entrée dans «la saison des tempêtes», ce qui justifiait à ses yeux la stratégie du «bruit et de la fureur» en tant qu’acte politique de combat permanent résumé en une seule formule: «Qu’ils s’en aillent tous!», Jean-Luc Mélenchon est-il allé trop loin, lors des perquisitions conduites dans les locaux de la France insoumise, à son propre domicile ainsi qu’à ceux d’une dizaine de ses collaborateurs? Désireux de la justesse des termes dont use l’ex-candidat à la présidentielle –particulièrement lui, eu égard à ses talents d’orateur que personne ne méconnaît–, le bloc-noteur s’est interrogé en l’entendant, ceint de son écharpe tricolore, hurler aux policiers: «Ma personne est sacrée», «la République, c’est moi!». Formellement, l’élu de la nation –surtout le législateur– peut revendiquer une sorte de statut «sacré», symbolique et concret. Oui, la République, c’est aussi l’élu, il en «représente» une bonne part comme corps constitué, mais un corps collectif et non individualisé… En s’adressant aux policiers et au procureur, Jean-Luc Mélenchon parlait-il en son nom ou au nom de la représentation nationale dont il est l’un des maillons? Chacun possède désormais sa propre interprétation sur le sens de cette phrase –«la République, c’est moi!»– éructée autant par émotion légitime que par colère, au point que certains se demandent si cette éventuelle ultra-personnalisation –moi contre tous– se raccorde bien avec les idées de quelqu’un qui aspire à un changement profond de nos institutions, à commencer par une dé-présidentialisation de notre République. Nous comprenons le choc subi: une perquisition est une mesure de police à la fois brutale et éminemment attentatoire aux libertés individuelles – droit au respect de la vie privée, droit au respect du domicile, droit de propriété notamment. Or, les perquisitions dont il s’agit n’ont sans doute pas été spectacularisées par hasard: ampleur de la mobilisation policière, cadre de l’enquête préliminaire qui ne permet pas l’exercice des droits de la défense et qui est entièrement sous le contrôle du parquet, lui-même dépendant de la chancellerie. Le leader de la FI avait-il tort de dénoncer une «offensive politique»?
Ambition. Comédie hypocrite d’un côté: haro politico-médiatique, toutes tendances confondues, sur le comportement «inadmissible» et «coupable» de Mélenchon. Victimisation surjouée de l’autre: mise en place de la théorie du complot forcément globalisé… Et si l’on se calmait un peu? Un responsable politique, même de tout premier plan, a le droit de crier contre ce qu’il croit être une injustice. S’il est exact d’affirmer qu’il y a souvent inégalité de traitement –les plus faibles en savent quelque chose!–, l’exercice de ce droit de critiquer de manière véhémente réclame néanmoins du sang-froid et, en vérité, une haute ambition de la parole publique. Pourquoi réclamer le même sort judiciaire que LaREM, par exemple, alors qu’on critique à juste titre le laxisme à l’endroit du parti macroniste, pour des accusations plus graves encore? Nous ne voulons pas d’une gauche qui soit «moins pire» que d’autres, mais irréprochable. Il en est de même avec la liberté de la presse. Si les journalistes sont parfois des «abrutis», jusques-et-y compris à Radio France, et si une majorité d’entre eux ont désormais pieds et poings liés aux groupes capitalistiques qui possèdent leurs titres et les assujettissent, le bloc-noteur sait trop que les appels au peuple à se soulever contre les médias ou à les «pourrir» ne résoudra en rien les fractures sociales et le sentiment croissant d’injustice qui radicalisent la sémantique. Le bloc-noteur aime trop moquer, ici même et fort souvent, la médiacratie comme les éditocrates à son service, pour sombrer dans la brutalité stérile du «tous pourris, tous vendus». La liberté de la presse, elle aussi, est sacrée. Se battre pour les conditions nouvelles de sa réalisation pleine et entière: voilà notre but. Qui ne nécessite aucunement le recours aux fantômes du passé.
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