« LA CULTURE VAUT MIEUX QUE ÇA », L’ÉDITORIAL DE MAUD VERGNOL DANS L’HUMANITÉ DU VENDREDI 17 AOÛT
« Synergie », « sélectivité », « amélioration de l’efficience » : ces mots
ne font pas rêver. Ce sont pourtant ceux utilisés pour évoquer le service
public de la culture dans le fameux rapport CAP 22, cette bombe à retardement
que le gouvernement n’a toujours pas eu le courage de dévoiler publiquement.
Ses préconisations risquent de parachever l’œuvre de destruction massive d’une
politique culturelle sans doute inaboutie, mais qui avait le mérite de graver
dans le marbre républicain que les arts et la culture, la création et sa
diffusion doivent être au cœur des politiques publiques. Certes, Emmanuel
Macron n’est pas le premier à s’y attaquer.
Du « temps de cerveau
disponible » à l’« inutile » Princesse de Clèves de Nicolas
Sarkozy, l’argent privé et les critères de rentabilité ont sournoisement
grignoté le financement de la culture pour tuer à petit feu la décentralisation
et étouffer la création. Dans le « nouveau monde » macroniste, le terme même de
« politique culturelle » aurait disparu de l’espace public sans ces
inépuisables vigies qui résistent aux logiques mercantiles pour faire circuler
l’imaginaire. Jack Ralite, disparu cette année, était le premier d’entre eux,
rappelant à chaque occasion qu’« un peuple qui abandonne son imaginaire
culturel à l’affairisme se condamne à des libertés précaires ». C’est aussi le
sens du cri d’alarme du précieux Robin Renucci. Car un an après les publicités
mensongères du macronisme, vendant le rêve d’une « réinvention des politiques
culturelles », les premiers actes du quinquennat en la matière disent tout le
contraire. Sa recherche illusoire de rentabilité des services publics est en
passe de vider de sa substance le ministère de la Culture, quasi mis sous
tutelle de l’Élysée. Dans la Part maudite, Georges Bataille disait des
« dépenses improductives » ceci : « Chaque fois que le sens d’un débat dépend
de la valeur fondamentale du mot utile, c’est-à-dire chaque fois qu’une
question essentielle touchant la vie des sociétés humaines est abordée, il est
possible d’affirmer que le débat est nécessairement faussé et que la question
fondamentale est éludée. »
Soyez le premier à commenter !
Enregistrer un commentaire