« FOLLE COURSE », L’ÉDITORIAL DE SEBASTIEN CREPEL DANS L’HUMANITE DU JEUDI 9 AOÛT
On nous dira qu’il n’y a pas lieu de se plaindre que les sociétés du
CAC 40 se portent bien. N’est-ce pas préférable pour les salariés et leurs
emplois ? Le raisonnement est efficace pour faire taire tout débat sur
l’utilisation de résultats mirobolants, voire pour étouffer les interrogations
sur la manière dont ils sont produits. Plus de 43 milliards d’euros de
bénéfices en six mois, selon un décompte encore partiel. À ce rythme, le
CAC 40 devrait égaler cette année ses records d’avant-crise.
Cet argent, la plupart des salariés n’en verront pourtant jamais la
couleur. En mai, l’ONG Oxfam montrait que les deux tiers de ces profits ont
fini dans la poche des actionnaires entre 2009 et 2016. À peine plus d’un quart
est allé à l’investissement, et seuls 5 % ont été redistribués aux salariés. En
2018, les stars du CAC 40 promettent d’être encore plus prodigues. Même
celles qui ont gagné moins d’argent ce semestre, comme Airbus, BNP, Renault ou
bien Vivendi, visent des hausses à deux chiffres du rendement de leurs actions.
Quant à Carrefour, seul groupe à présenter des comptes négatifs, cela ne l’a
pas empêché de verser 350 millions à ses actionnaires en juillet. Où est la rationalité
de cette course aux dividendes, de plus en plus déconnectée des résultats réels
de l’entreprise ? Et quid de l’intérêt général ?
La question dépasse
celle de la simple répartition des profits. L’obsession du rendement fait des
dégâts bien en amont sur l’emploi, la formation et les salaires. Prenons PSA,
par exemple. Côté pile, le groupe aligne 40 % de ventes en plus, et des profits
en hausse de 18 %. De quoi investir, moderniser, embaucher… Côté face, les
choix de PSA racontent une autre histoire. Celle d’un groupe qui a construit
son redressement – avec l’aide de l’État – en détruisant des milliers
d’emplois. Aujourd’hui, PSA compte 10 000 intérimaires pour
28 000 CDI. Ce cas n’est pas isolé. Les ordonnances Macron sont conçues
pour donner toute liberté aux grands groupes pour précariser. Au prix d’une
folle course à l’abîme.
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