« EFFONDREMENTS », L’ÉDITORIAL DE PATRICK APEL-MULLER DANS L’HUMANITÉ DU JEUDI 16 AOÛT
L’enquête commence à peine mais déjà les circonstances de l’effondrement du
viaduc autoroutier qui relie le port ligure à la Lombardie pointent des
responsabilités. Le pont Morandi, considéré comme un pari technique risqué,
était jugé fragile, réclamant une surveillance attentive, une maintenance coûteuse.
Sur ces deux plans, les autorités italiennes ont pointé la faillite de la
société privée gestionnaire de l’autoroute. Celle-ci encaisse de faramineux
péages mais rogne sur l’entretien pour maximiser des profits qui échappent
largement à l’impôt en se logeant au Luxembourg. Une loi du genre. Depuis des
décennies, les scandales se multiplient dans la péninsule italienne : matériaux
de construction au rabais, normes antisismiques bafouées, corruption dans les
marchés de travaux publics, infiltration du secteur du bâtiment par la Mafia,
détournements de subventions. Une école s’écroule sur des enfants à Naples, un
échangeur autoroutier s’effondre sur l’A14, les constructions anarchiques se
multiplient en Sicile sur les ruines du tremblement de terre.
Chaque fois, on relève
une démission de la puissance publique, abandonnant la gestion
d’infrastructures majeures à la loi des dividendes, réduisant les moyens de
contrôles techniques et les obligations légales, laissant le marché faire main
basse sur l’immobilier collectif. Sans doute les gouvernements italiens
successifs ont-ils plus accepté qu’en France le dessaisissement de l’État et
les déréglementations en tous genres. Mais la France est-elle immunisée ? Le
goût du « ruissellement » peut conduire à des effondrements.
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