« Une victoire », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité de ce jour !
Il est
musulman, mais son parti, le Parti républicain du peuple, est laïc et se
réclame de Mustapha Kemal. Ce dernier, dans les années 1920 et 1930, avait
inscrit la laïcité dans la constitution et ouvert le droit de vote aux femmes. Ekrem
Imamoglu, 49 ans, élu dimanche maire d’Istanbul avec plus de neuf points d’avance
sur le candidat du pouvoir, a remercié les dix millions d’électeurs de la
capitale qui se sont rendus aux urnes, en mentionnant particulièrement « les
Kurdes, les Arméniens, les Assyriens, les jeunes, les femmes ».
C’est
une victoire contre la fraude et les abus de pouvoir. Le 31 mars dernier, alors
que le nouvel élu l’avait emporté de 13 000 voix, le pouvoir aux mains de
Recip Erdogan avait réussi à manipuler suffisamment la haute commission
électorale pour qu’elle annule le scrutin. C’est une victoire contre la
répression. Le coup d’État manqué de 2016, abusivement exploité par les
autorités, a été suivi par 55 000 arrestations, le limogeage de 150 000
fonctionnaires. Erdogan pensait qu’il pouvait broyer dans une main de fer le
pays qui a résisté.
C’est
une victoire contre la désinformation, contre les faux procès. Pas plus tard
que le 12 juin, le président turc assimilait encore l’opposition au terrorisme
ou du moins à ses complices. Hier encore, le quotidien Yeni Akit, proche de
lui, voulait voir dans le résultat du scrutin la main de l’étranger, en criant
au scandale. C’est une victoire, avec le rassemblement autour du nouveau maire
des diverses oppositions contre les divisions religieuses, communautaristes,
qui minent la Turquie, entretenues contre les Kurdes en particulier, dont des
dizaines d’élus et de représentants sont toujours emprisonnés.
Istanbul
n’est pas toute la Turquie, mais elle en est le cœur battant, aux charnières de
l’Europe et du Moyen-Orient. Le pouvoir totalitaire, assis sur un islamisme
régressif mais soutenu par l’Occident, est aujourd’hui sérieusement ébranlé. Ce
résultat va au-delà de la Turquie elle-même, quand les forces conservatrices
gagnent du terrain dans le monde. On ne sait ce qu’il en sera de l’avenir de la
Turquie, mais à Istanbul, la laïcité, la justice et la démocratie l’ont
emporté.
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