« L'âme de colère », l’éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité de demain lundi
Samedi 22 juin, c'était ville morte à
Belfort, en soutien aux salariés de General Electric (GE), dont plus de mille
doivent être licenciés.
D’abord, des larmes de colère comme des
cris silencieux. Puis, entendu au loin par les milliers de manifestants venus à
Belfort, samedi 22 juin, le bruit sourd et régulier des rideaux de fer
crissant à leur fermeture symbolique. Ville morte. Non, ce n’était pas une
métaphore. Juste la projection du réel potentiel. Celui que refusent les
habitants et tous ceux qui savent déjà ce que l’avenir réserve si rien ne se
passe. Solidaires, les voilà combattants de l’indispensable, en signe de
soutien aux salariés de General Electric (GE). Car le plus important employeur
du Territoire de Belfort, avec 4.300 salariés, a prévu de supprimer plus d’un
millier de postes dans sa branche turbines, rachetée à Alstom en 2015, ce qui
se solderait par la disparition du plus grand centre de production mondial de
turbines à gaz, sans parler des effets induits sur la cinquantaine de
sous-traitants. En somme, la fin des savoir-faire technologiques et des
compétences humaines accumulés avec fierté depuis des décennies.
Cette saignée sociale, dévoilée au
lendemain des élections européennes, est un cataclysme pour les salariés comme
pour la cité du Lion, dont l’histoire industrielle a débuté dans la seconde
moitié du XIXe siècle, lorsque la Société alsacienne de
constructions mécaniques (SACM) s’y implanta, devenue Alstom, avant le bradage
– scandaleux et injustifié – de ce fleuron national… Où est «l’État
actionnaire», «l’État stratège»? Où est Emmanuel Macron, lui qui avait
autorisé, comme ministre, cette vente aux Américains, avec l’engagement de
créer plus de 1 000 emplois en France? Ne serait-il pas crédible,
immédiatement, d’imposer un moratoire sur ce plan ignoble et d’ouvrir un
véritable débat public et social, avec toutes les parties prenantes, afin
d’éviter ce gâchis monumental qui illustre l’absence de stratégie industrielle
du pouvoir et les conséquences dévastatrices qu’entraîne un tel renoncement?
À Belfort, l’industrie était – et reste –
l’âme de la région. Quoi qu’en pensent les fous du capital, celle-ci vit encore
et ne se contentera pas de larmes. Attention à l’âme de colère !
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