« Dignité » l’éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité de demain jeudi !
Nous ne supportons plus ce climat, anti-migrants
qui atrophie notre univers mental.
Alors que, partout en Europe, l’extrême
droite progresse, nous constatons avec désolation que la passion de l’égalité
se voit supplantée par l’obsession de l’identité. Le temps des boucs émissaires
est de retour ; en France aussi. L’idée nous révolte tant que, ce 20 juin,
pour la Journée mondiale des réfugiés, nous pensons à nos frères et sœurs en
recherche de dignité et en lutte pour le droit de vivre. Et pouvoir se tenir
debout. La cause de nos malheurs serait, affirment les idéologues, dans la «pression
migratoire». Il suffirait même de tarir les «flux» (odieuse expression) pour
éradiquer le mal-être, comme si la peur de ne plus être « chez soi » devait
l’emporter sur le vivre-ensemble, la responsabilité et le partage – la longue
histoire des humains, pourtant…
Disons la vérité: nous ne supportons plus
ce climat, anti-migrants qui atrophie notre univers mental. Et nous ne
supportons plus, également, l’incurie et l’inaction de l’Union européenne, qui
met en danger des vies humaines pour des raisons politiciennes. Plus grave, en
demeurant passive, Bruxelles laisse les populistes et les xénophobes régner sur
la politique migratoire européenne. D’ailleurs, que n’entend-on pas dans la
bouche de certains Français! En dépit des chiffres réels, on voudrait nous faire
croire qu’accueillir 10 000, 20 000 ou 30 000 réfugiés signifierait «accueillir
toute la misère du monde»? Avec 67 millions d’habitants, nous devrions
être effrayés par quelques milliers de personnes en détresse? Cela dit des
choses terribles sur l’état de notre société, sur le sens altéré des réalités.
Non, les racines des maux contemporains ne sont pas dans le déplacement des
êtres humains, mais dans le règne illimité de la concurrence et de la
gouvernance, dans le primat de la finance, dans la surdité des technocraties.
Le combat est difficile. Ceux qui tendent
la main le savent, en Europe comme en France. En montrant que la première des
urgences reste la solidarité et le devoir d’accueil, eux, au moins, prouvent
que nous ne sommes pas des barbares.
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