" Tout repenser, de l'entrée au dessert ", l'éditorial de Paule Masson dans l'Humanité de ce jour !
À peine ouverts, les états
généraux de l’alimentation dégagent déjà un petit goût amer. La séance
inaugurale invite à table quelques 500 convives dont beaucoup craignent de
rester sur leur faim face à des assises qui enserrent les enjeux alimentaires
dans le problème de la « création de la valeur ». La course à la
productivité et la guerre des prix, menée par des distributeurs sans scrupules font
déjà de nombreuses victimes. Les agriculteurs sont poussés à la faillite, la
terre est asphyxiée par des intrants chimiques, le climat étouffe sous le
trop-plein d’engrais et la population s’abîme la santé. En France, où la
culture de la table fait office de patrimoine, la malbouffe gagne du terrain. Les
plats industriels, trop riches en sel, en sucre, en gras, envahissent les
assiettes.
« La destinée des nations
dépend de la manière dont elles se nourrissent », assurait Brillat-Savarin
dans la physiologie du goût. L’alimentation est au carrefour de multiples
enjeux. Son rôle nourricier façonne le rapport à la terre et à la mer. Sa fonction
économique dialogue avec la souveraineté alimentaire. Son usage culturel touche
aux notions de plaisir, de convivialité, de vivre-ensemble. Pour qu’elle reste
un puissant vecteur d’inclusion et d’identité, il faut tout repenser, de l’entrée
au dessert.
Sans quoi, on peut déjà prédire
la fin. Face au naufrage du productivisme, Emmanuel Macron va redire ce soir
son intention d’accompagner la transformation du système productif. Mais pas
pour tout le monde. La coexistence de deux modèles permettra de protéger les
intérêts financiers de la poignée de multinationales qui, de la semence à l’assiette,
ont fait main basse sur l’alimentation. À elles, le bénéfice d’une production
de masse, uniformisée, insipide, à destination des familles modestes. À côté,
la montée en charge d’une production vivrière de qualité à portée des
porte-monnaie plus fournis. Alors, l’accès au bien-manger restera un privilège.
Qu’il faudra abolir.
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