" La vraie vie...", l'éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l'Humanité de ce jour !
C’est bien connu : les coups
de com ne servent qu’à détourner l’attention. Comment interpréter la décision
de la nouvelle ministre du travail, Muriel Pénicaud, de ne plus commenter
chaque mois les chiffres du chômage ? Au trompe-l’œil des statistiques qui
viennent d’être données pour avril – quel crédit accorder à la baisse en demi –
teinte annoncée par Pôle emploi pour la seule catégorie A ? – s’en ajoute
donc un autre, imposé par le chef de l’État en personne. Silence dans les
rangs. Moins on parle, mieux on se porte. Les quelques six millions de chômeurs
répertoriés dans toutes les catégories apprécieront. Sans parler des quatre
millions « d’invisibles », radiés et autres laissés à l’abandon, qui
n’entrent pas ou plus dans les données officielles. C’est vrai, quoi, qu’y-a-t-il
à dire de dix millions de sans-emploi en France, dont l’essentiel viennent
grossir les rangs des neuf millions de pauvres recensés…
Et pendant ce temps-là ? Tandis
que le flicage et la chasse aux chômeurs et aux allocataires du RSA s’intensifient
partout sur le territoire, en particulier dans les départements gérés par la
droite, certains responsables d’antennes de Pôle emploi deviennent fous, au
point de ne plus rien respecter, pas même la dignité de ceux qui n’ont plus
rien. Ainsi l’agence de Margny – lès – Compiègne dans l’Oise a-t-elle publié
récemment sur sa page facebook (retirée depuis) un tableau intitulé « journée
type d’un demandeur d’emploi efficace ». Du café que l’on boit le matin
pour « profiter de la lumière du jour, antidépresseur naturel », à la
douche où l’on doit « réfléchir à nos objectifs », en passant par la
recherche de petits boulots qui nous permettent de gagner de l’argent »,
tout y passe pour transformer les victimes du fameux « marché du travail »
en coupables de leur situation. Quand l’infantilisme voisine avec l’abject, les
mots nous manquent ! Le gouvernement n’est pas responsable de ce « dérapage »,
comme disent certains. Mais n’oublions pas la feuille de route de l’exécutif. Moins
d’indemnisation des chômeurs ; réduction de la durée des droits ; le
tout adossé à un modèle coercitif absolu, à la mode anglo-saxonne, avec son lot
de suspension systématiques et de séances d’humiliation. Là, on ne parle plus
de com devant les chômeurs. Juste de la vraie vie.
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