" La montre pour boussole ", l'éditorial de Sébastien Crépel dans l'Humanité de ce jour !
La Vème République a
beau en singer les manières, la France n’est pas une monarchie, encore moins
absolue. Elle compte des corps intermédiaires qui ont leur propre légitimité et
un Parlement avec lequel il faut compter. Tout cela ne s’est pas dissous le 7
mai avec l’accession d’Emmanuel Macron à la présidence du pays, d’autant qu’il
reste aux 47 millions d’électeurs la tâche de composer par leur vote la future
Assemblée nationale, les 11 et 18 juin.
C’est ce qu’a rappelé à chacun l’acte
premier de la réforme du Code du travail qui s’est joué hier à l’Élysée, où
syndicats et organisations patronales étaient conviés. Certains pourront voir
dans ce fait même un crime de lèse-majesté insupportable, à l’instar du Figaro
d’hier, pour qui Emmanuel Macron n’a « rien à espérer de longues
négociations avec les centrales pétries de lutte des classes ». de « négociations,
il n’était en fait guère question hier, et Emmanuel Macron n’a aucunement
annoncé l’abandon de ses projets de démantèlement de l’ordre public social par
ordonnances durant l’été. Mais l’avocat des partisans du « réalisme »
en économie, qui sert le plus souvent de paravent au laisser-faire du tout –
libéral, se voit contraint par une réalité autrement plus consistante qui l’oblige
à en rabattre sur l’arrogance de sa campagne présidentielle.
Une réalité institutionnelle :
sans une Assemblée à ses ordres, Macron n’aura pas les moyens de faire ratifier
ses ordonnances. Or les conditions de son élection le 7 mai face au FN, qui
sont le contraire d’un vote d’adhésion à son projet, rendent incertaine l’issue
des législatives. Une réalité politique, ensuite : il ne se dégage pas, en
l’état, de majorité d’électeurs appuyant sa réforme du Code du travail. Sans parler
du moyen des ordonnances rejeté par 70% des Français selon un sondage BVA
réalisé début mai. Macron se voit donc obligé de jouer la montre plutôt que la
boussole, en se donnant l’air de concilier « et en même temps » de ne
pas se renier. Ce qui a réussi à la présidentielle pourrait le faire trébucher
en juin.
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