" Les idées, bordel !, l'éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l'Humanité de ce jour !
Six semaines… Sans céder à l’espèce
de sidération généralisée qui provoque des regards en biais sur une campagne
qui ne ressemble décidément à aucune autre, oui, vous avez quand même bien lu :
il reste quarante deux jours avant le premier tour de la présidentielle. Et,
comme chacun peut le constater avec plus ou moins d’amertume, les débats
politiques et médiatiques oscillent entre l’hystérie généralisée et une forme
de grand jeu soit disant ludique, façon PMU ou loto sportif, où chacun y va de
son pronostic en misant sur les scénarios anticipés d’un résultat pourtant
aléatoire, comme le pratiquent les bookmakers de pays voisins… Combien de temps
encore cela durera-t-il ? Combine de temps faut-il à une société
démocratique comme la nôtre pour encaisser le choc inouï d’une confrontation
quasi confisquée, pour enfin dépasser l’émotion du grand n’importe quoi et s’autorisant
une prise de hauteur qui permettrait de retrouver collectivement le chemin de
la pensée et de la raison ? Alors que la moitié des électeurs potentiels
ne savent pas toujours s’ils iront voter et pour qui, sinon pourquoi, nos
esprits éprouvés de tristesse, de colère parfois, de peur aussi, sont sommés de
n’avoir qu’un seul horizon : se déterminer en fonction du monde FN. Sauter
les étapes. Céder à tout. Et pourquoi pas se jeter soi-même par – dessus bord…
Il n’y a rien de pire que les
évidences qu’on cherche à nous imposer. Ainsi, il n’y aurait pas d’alternative
à la vague brune forcément irrépressible, pas d’autre système possible que le
libéralisme – doux ou sauvage –, pas d’autre avenir européen que celui de
Merkel – Hollande – Macron et, bien sûr, pas d’autres candidats crédibles que
ceux dont les sondages – fumisterie – nous claironnent qu’ils seront assurément
au second tour. Et les idées, bordel ! Pourquoi votons – nous ? Pour
la mise en place de minables stratégies dont les français ne veulent d’ailleurs
plus, autant de basses manœuvres commanditées qui caractérisent, plus que
jamais, la fin de l’ancien régime et la faillite d’une Ve République
à bout de souffle ? Ou votons – nous pour des idées ? Notre conviction est
simple : les électeurs vraiment de gauche ne voteront pas, cette fois,
sous la pression de certitudes qui n’en sont pas. C’est sérieux, la politique.
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