« Le choc turc », l’éditorial de Patrick Appel-Muller dans l’Humanité de ce jour !
L’alliage
d’islamisme, de nationalisme et de brutalité incarné par Recep Tayyip Erdogan l’a
donc emporté en Turquie. La population rurale et pauvre a voté massivement en
faveur et pour les partis qui le soutiennent, jugeant qu’il a imposé son pays
sur la scène internationale, tandis que celle de la plupart des villes et les
jeunes ont appuyé le CHP ou le HDP, les deux formations de l’opposition. En effet,
le président, le « sultan » comme il aime être surnommé, n’a pas tout
balayé sur son passage. La répression barbare des Kurdes, les 55 000 arrestations
et les 144 000 révocations ou suspension qui avaient suivi la tentative de
coup d’État, les poursuites et condamnations qui ont accablé journalistes et
universitaires, la mainmise sur les médias…ne seront pas parvenues à étouffer
les contestations. Cette épine dans le pied se rappellera au bon souvenir d’Erdogan
alors que la situation économique se détériore, même s’il dispose des pleins
pouvoirs après le référendum constitutionnel.
Dans
le paysage international et aux portes de l’Europe, elle-même contaminée par le
virus du nationalisme et de la haine des étrangers, le résultat du scrutin de
dimanche ajoutera du combustible au feu qui couve.
Le régime
turc a su obtenir la complaisance gênée des grandes puissances en s’affirmant
comme un pivot de la situation au Proche et Moyen-Orient, ménageant des
alliances avec la Russie et l’Iran (avec lequel il constitue un contrepoids à l’Arabie
saoudite), freinant le plus possible d’exilés syriens au bénéfice de l’Union
européenne, négociant avec les États-Unis et Israël. Cela lui vaut bien des
indulgences, même quand il écrase les alliés kurdes sous les bombes. Il n’hésitera
sans doute pas à en abuser si on lui laisse comme aujourd’hui les mains libres.
Emmanuel Macron ne déclarait-il pas, début janvier : « J’ai le plus
grand respect et la pleine conscience des défis affrontés par la Turquie, comme
ceux du terrorisme et des déstabilisations militaires, et à ce titre, je n’ai
pas d’ingérence à avoir en tant que chef d’État extérieur. »
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