" Le pari perdant-perdant ", l'éditorial de Paule Masson dans l'Humanité de ce jour !
Le roulement de l’histoire place
une fois de plus l’Espagne dans une escalade de tensions dont l’issue est plus
qu’incertaine. La déclaration unilatérale de l’indépendance du Parlement de
Barcelone et la mise sous tutelle immédiate des séparatistes par Madrid ne
laissent plus de doute quant à l’ampleur de la crise de régime qui secoue le
pays. Pro et anti-indépendantistes se succèdent dans la rue, toujours en
nombre. Hier, ils étaient un million à défiler au cri de « l’Espagne notre
pays ». Alors que le démembrement menace Mariano Rajoy et Carlos
Puigdemont s’enferrent dans le dialogue de sourd. C’est l’impasse.
Dans ce pari perdant-perdant,
sonnent des heures sombres pour la démocratie. Madrid paye son refus d’entendre
les revendications catalanes. Depuis 2010 et l’annulation par la Cour
constitutionnelle d’un accord élargissant l’autonomie de la région, le premier
ministre conservateur s’obstine dans un refus autoritaire de toute nouvelle
discussion. Ce faisant, il creuse le lit du nationalisme. Carlos Puigdemont a
alors beau jeu de présenter le repli séparatiste comme la seule réponse à la frustration
démocratique. D’un dirigeant à l’autre, l’un comme l’autre, conservateurs, l’exacerbations
des divisions permet de porter le fer sur des revendications identitaires et
détourner le regard d’une crise sociale pourtant plus aiguë que jamais en Espagne.
Selon une étude récente, 0,6% de
la population possède désormais la moitié de la richesse du pays. Mariano Rajoy,
lui-même empêtré dans un scandale de corruption, est aujourd’hui assis sur un
Everest d’inégalités sociales. Depuis ce week-end, l’Union européenne apporte à
cette droite aux relents de franquisme son soutien inconditionnel. De quoi
attiser un peu plus la crise, alors que la diplomatie du Vieux Continent
pourrait prendre la tête d’une médiation qui encourage les parties à opter pour
la seule issue pacifique et démocratique : celle du droit des peuples à l’autodétermination.
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