" Catalogne, les franquistes toujours là " (José Fort)
La police espagnole intervient violemment en ce moment à Barcelone et dans toute la Catalogne. L’Union européenne si prompte à donner des leçons de « démocratie » particulièrement dans le Sud des Amériques observe un total silence.
Chacun y va de son commentaire « pro » ou « contre » souvent en se cantonnant dans le superficiel. Or, il est impossible de comprendre les événements en Catalogne si on ne fait pas un retour en arrière dans l’Histoire contemporaine de l’Espagne. Avec en toile de fond la dite « guerre civile » qui fut, faut-il le rappeler, un soulèvement militaire soutenu par Hitler et Mussolini contre un gouvernement légalement élu, abandonné par les « démocraties » de France et d’ailleurs. Ce gouvernement républicain présentait une tare indélébile : il s’attaquait aux intérêts des classes privilégiés et s’intéressait aux particularités régionales.
Une « guerre civile », un Etat dictatorial pendant quarante ans puis une « transition » dite « démocratique » menée par les rejetons du franquisme avec les gauches, essentiellement le parti socialiste et le parti communiste qui misaient sur la fin de la clandestinité et le retour à une vie « normale ». Rien d’indigne à un tel dénouement lorsqu’on a vécu si longtemps sous un régime fasciste avec comme seule perspective la prison ou le peloton d’exécution. Sauf que.
Sauf que des années après, deux constatations s’imposent :
1/ Le rapport des forces à l’époque était tel qu’il était impossible que cette transition accouche d’une véritable démocratie, encore moins d’une République.
2/ Les aspirations longtemps réprimées à la culture et à l’identité nationale avec l’irruption de nations dites « périphériques » comme la Catalogne, le Pays basque ou encore la Galice étaient passées à la trappe.
La répression n’a jamais pu contenir les cultures et les identités nationales. L’universitaire Vincenç Navarro illustre bien cette réalité en racontant sa propre histoire : « J’avais dix ans et dans une rue de Barcelone je demande en catalan ma route à un policier. Celui me crie dessus en ces termes : « Ne parles pas comme un chien, parle comme un chrétien. »
Il existe en Catalogne un nationalisme d’exclusion dont la bourgeoisie a fait ses choux gras. C’est ainsi que l’ancien président de la généralitat catalane, Jordi Pujol osait déclarer à propos de ces milliers de travailleurs immigrés « de l’intérieur » venus enrichir le patronat local : « les immigrés murciens et andalous ont des capacités intellectuelles inférieures aux catalans. »
J’ai retrouvé les notes de la dernière interview que m’avait accordée une légendaire figure antifranquiste peu de temps avant sa mort, le dirigeant du PSUC, l’antenne catalane du parti communiste d’Espagne, Grégorio Lopez Raimundo. Il me disait : « Les luttes sociales et la récupération de notre identité catalane sont indissociables. Nous ne somme pas indépendantistes, nous sommes favorables à l’autodétermination et à la construction d’un Etats pluri national respectant les identités et les particularités de chacun dans le cadre d’une coopération entre toutes les régions d’une Espagne démocratique et de progrès. Bref, un Etat fédéral. »
Dans le même temps, nous assistons
à un retour en force de l’extrême droite. Mon copain Jean Ortiz rapporte que « des partisans d’une Espagne réactionnaire, excluante, repliée sur elle-même, marquent des points, notamment dans le reste de l’Espagne où le gouvernement fait régner un climat anti-catalan hystérique. L’extrême-droite instrumentalise les courants identitaires : on entend reparler de « l’anti-Espagne », de « l’unité menacée », de « l’Espagne Une », d’ « ennemis de la patrie », de « sédition », de « séparatistes »... Les fondations anti-communistes, particulièrement celles liées à l’ancien président Aznar (très active au Venezuela), jouent les pyromanes, cherchent l’affrontement. »
Le jeune leader d’Izquierda Unida, Alberto Garzón, s’est exclamé : « ils ne tolèrent pas la démocratie ». Telle est la vérité.
José Fort
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