« Le cri de la LDH », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !
L’état
d’urgence sanitaire a été proclamé, mais qu’en est-il de l’État de droit, qui n’admet
aucune interruption pour garantir les libertés publiques ? Cette garantie
passe en premier lieu par le respect de la Constitution, qui limite les droits
et s’impose à tous, en dépit des critiques parfaitement fondées que l’on peut
adresser à un texte consacrant un régime présidentialiste à l’extrême. Il vaut
mieux en effet une Constitution imparfaite que pas de Constitution du tout pour
s’opposer à l’absolutisme et à l’arbitraire.
Or,
il n’est pas exagéré d’écrire que cet ordre constitutionnel est aujourd’hui
remis en cause par l’acceptation, par l’organe même chargé en dernier ressort
de le faire respecter, d’entorses à la légalité qui auraient été regardées
comme tout à fait intolérables avant l’état d’urgence sanitaire. Ici aussi, pas
de confusion : on ne peut pas déborder d’amour pour une instance comme le
Conseil constitutionnel, dont les jugements sont souvent marqués d’un
conservatisme pesant, et s’inquiéter de ce que signifie, sur le plan du droit,
sa mise en sommeil forcée. Non seulement ses membres ont choisi de fermer les
yeux sur la décision du gouvernement de s’asseoir sur le respect de la loi
fondamentale à l’occasion de l’examen du paquet législatif instaurant l’état d’urgence
sanitaire, amis ils se sont inclinés devant leur mise en congés d’office jusqu’au
30 juin prévue pour ces mêmes textes.
Cette
décision pourrait paraître à première vue n’intéresser que les férus de droit. Dans
une déclaration produite vendredi, la Ligue des droits de l’homme (LDH) montre
combien elle concerne chaque citoyen. « Par sa décision, écrit la LDH, le
Conseil constitutionnel accepte que les libertés publiques soient drastiquement
restreintes tout en en différant le contrôle. » Le gouvernement qui dirige
désormais par ordonnances, n’aura en effet aucun compte à rendre au Parlement,
ni au Conseil constitutionnel. L’inquiétude vaut bien au-delà du 30 juin et du
retour présumé au « droit commun » : car ainsi se crée pour l’avenir
« une jurisprudence qui ouvre la voie à toutes les exceptions et donc à
tous les renoncements », prévient la LDH.
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