Des actes nouveaux pour changer le système (Patrick Le Hyaric)
L’angoisse
nous étreint face à l’hécatombe provoquée par ce puissant virus qui court et
attaque le monde entier. Déjà, les deuils frappent autour de chacun d’entre
nous.
Les
personnels soignants font preuve d’un dévouement appelé à devenir un mètre
étalon de courage et d’humanité. Leur sacrifice est d’autant plus exemplaire
qu’il prolonge une lutte dure et tenace, trop dédaignée en haut lieu. Les
pouvoirs successifs et leurs comptables, dont ceux de la Cour des comptes, les
ont sciemment désarmés. Comme ils ont méprisé toutes celles et ceux qui, ne se
revendiquant pas « premiers de cordée », font tourner la
France : transporteurs ou caissières, employés communaux ou livreurs,
policiers ou enseignants, auxquels manquent cruellement masques et tests du
fait des choix de réduction des crédits publics.
Il y a
urgence à réquisitionner les entreprises capables d’en fabriquer comme celles
qui peuvent produire l’oxygène, les respirateurs, les blouses, les lits,
l’alcool hydro-alcoolique ou les médicaments qui commencent à manquer. Le dogme
crasse du « moins d’Etat » doit être jeté au bûcher et toute
tentative de rogner les budgets de la santé publique considérée comme une
forfaiture.
Jamais la
santé n’est apparue aussi nettement comme un bien commun et non une marchandise,
et l’hôpital comme un lieu de la vie et non une entreprise. C’est toute la
filière qui doit dès maintenant être bâtie ou rebâtie avec la mise au rencart
de tous les plans de fermetures de lits et d’hôpitaux et la création rapide
d’un pôle public du médicament.
Chaque jour
met désormais à nu l’incapacité des classes possédantes et dirigeantes à
affronter ce moment historique. Elles n’ont pour autant, pas renoncé à
développer un capitalisme sanitaire et un capitalisme numérique. Une lutte se
déroule bien en ce moment-même, au cœur de la lutte contre l’épidémie, avec les
mêmes termes : la loi de l’argent ou le bien être humain.
Pour mener
cette lutte, le gouvernement s’est donné les « pleins pouvoirs ».
C’est ainsi que la ministre du travail, quelques jours après avoir clamé son
intention d’interdire les licenciements, s’est empressée de se contredire en
affirmant qu’il ne s’agissait que d’une « formule choc pour marquer
les esprits »… Le ministre de l’économie n’est pas en reste qui a refusé
de contraindre les entreprises à ne pas verser de dividendes, avant de se
raviser sous pression syndicale. Le rétablissement de l’ISF, la
suppression du CICE, la lutte contre l’évasion fiscale et la production
nationale stratégique doivent être fermement défendus. Le temps est révoqué où
les communistes étaient moqués, vilipendés quand ils proclamaient
« produisons français ».
L’entreprise
Luxfer, seule usine de bouteilles d’oxygène sacrifiée par ses actionnaires doit
être nationalisée sans barguigner, comme l’entreprise Famar, capable de
produire rapidement un million de boites de médicaments à base de chloroquine,
dès lors qu’est avérée son efficacité. Voilà des éléments de
« ruptures ».
Et que l’on
cesse de dire que la santé n’est pas du ressort de l’Union européenne. L’argent
de la Banque centrale européenne doit être orienté vers les caisses des Etats
pour les hôpitaux, pour la relance industrielle des secteurs liés à la santé,
les services publics, les collectivités territoriales, les associations de
solidarité, le logement des plus démunis qui souffrent encore plus du
confinement, les secteurs de la création culturelle et de la presse écrite.
A l’opposé
des pleins pouvoirs, c’est un comité spécial d’urgence sanitaire sous l’égide
du premier ministre, des présidents des assemblées parlementaires, avec les
groupes parlementaires, une délégation du comité économique et social, les
syndicats, les associations, les chercheurs et le monde médical qui devrait
piloter quotidiennement la crise, avec le souci d’inclure la solidarité avec
les pays du sud menacés par la vague. La résolution de cette crise et les
étapes à franchir exigent de la transparence et la confrontation démocratique
avec des diagnostics partagés et une autre manière de prendre les décisions.
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