" Bref instantané d'une jeunesse Européenne" par Mikaël Flahaut
Bref
instantané d'une jeunesse Européenne par Mihaël Flahaut
Il
me semble opportun de réfléchir à cette notion, de la poser à plat. Je me suis
amusé à la titrer Européenne avec une majuscule car elle n'est plus simplement
la jeunesse d'un continent mais bien une identité à part entière, une identité
qui peine néanmoins à se définir, presque à se trouver.
Je
parlerai plus en détail de celle née après la chute du mur de Berlin et qui
aujourd'hui a entre 20 et 30 ans, aussi parce que j'y appartiens. Une
génération née pour la plupart avec une autre nationalité que celle de son pays
: un passeport européen. La première fois que j'ai pu voté ce fut pour les
élections européennes, déjà à l'époque tout juste majeur je ne trouvais pas
cela anodin d'utiliser pour la première fois mes droits démocratiques pour
élire les représentants d'un système dont je ne comprenais pas tous les tenants
et aboutissants mais qui se présentait à moi comme aussi important et
structurant que les droits du sol ou du sang qui me furent conférés au hasard
d'avoir vu le jour à quelques kilomètres de Paris.
Presque
dix ans plus tard, un peu plus vieux et un peu plus sage je tâche de comprendre
ce que fut et ce qu'est aujourd'hui ma sensibilité sur cette question. A une
heure où les jeunes britanniques qui massivement ont voté non au Brexit sont
sur le point de perdre leur deuxième nationalité, je ne peux m'empêcher de
faire un parallèle avec les électeurs qui ont fait sortir le Royaume-Uni de
l'union européenne et ceux qui à la primaire de la droite nous amènent un
candidat rétrograde, ironie du sort souvent caricaturalement comparé à
Thatcher.
Le
constat est général en Europe, la montée du populisme fait rage à Paris,
Budapest, Amsterdam ou Londres et la liste malheureusement bien plus longue ne
cesse de croitre. Quelle forme prend-elle ? Celle du nationalisme, de l'amour
de la patrie, je lisais récemment un article ou un homme d'à peine 20ans,
soutien de M. Fillon déclarait tout de go que ceux qui épousent les idées de
"gauche" (que je considère plus simplement progressistes au-delà de
tout autre clivage politique) à l'instar de s'ouvrir aux autres pays, aux
autres en général n'étaient rien d'autre que des "traîtres à la
nation". Triste sire. Si seulement
je pouvais le rencontrer, moi traître, aurais envie de lui montrer pourquoi il
se trompe de combat.
Nos
passeports européens sont une chose, mais ne sont qu'un titre. Ce qui nous unit
comme européens et comme jeunesse ne s'arrête pas aux frontières. Nous sommes
des produits de la mondialisation, nous avons grandi avec internet et une
culture populaire large, presque internationale nous transcende. Je me range
aux récents propos de Pierre Laurent sur le plateau de "l'invité
politique" de radio classique où en réponse à une question il défendait
devant Guillaume Durand l'idée d'une "mondialisation de solidarité".
Quelle pourrait-elle être ? Celle d'une Europe et d'un peuple européen
qui par exemple se lève quant à Breslau le théâtre Polski se voit mettre à sa
tête un directeur plus prompt à museler la programmation au profit du conservatisme
réactionnaire de l'actuel gouvernement dont il est proche qu'à défendre la
liberté d'expression, de création et d'ouverture qui fut toujours la force de
ce vivier artistique. Mais qu'aurait-il pu se passer si en protestation et par
solidarité la Comédie française, le Théâtre
National Populaire de Villeurbanne, le Teatro Real à Madrid, le Trafó à
Budapest et bien d'autres s'étaient mis en grève par solidarité ?
Un
de mes amis polonais prenait part aux manifestations à Breslau au lendemain de
l'annonce alors qu'il y travaillait comme assistant à la mise en scène. Il
était à Paris il y a quelques mois avec un autre ami espagnol tous deux venus
me rendre visite. Deux amis rencontrés alors que nous étions tous les trois
volontaires européens il y a deux ans à Vilnius en Lituanie. A cette occasion
nous échangeâmes sur la Pologne que nous connaissions tous trois, sur Podemos
en Espagne et la situation de l'emploi pour les jeunes. De la France, des
mouvements sociaux autour de la loi El-Khomri et des prochaines élections alors
qu'eux aussi suivaient l'actualité de notre pays.
Cela
nous mena à cette conclusion simple et un peu effrayante : celle que ce qui se
jouait dans chacun de nos trois pays avait des trames bien différentes mais une
réalité identique. En d'autres mots : un passé personnel mais un futur commun.
Que nos destins et aspirations ainsi que les obstacles qui s'y opposent étaient
analogues. Une idée aussi simple que celle que notre salut dépasse bien celui
des frontières : frontières dont nous avons hérités de l'histoire. Nous ne les
avons pas décidés je ne pense pas qu'il faille néanmoins les détruire purement
et simplement, ça serait une fois de plus se tromper de combat. Mais qu'il faut
continuer de les traverser, encore et encore et surtout s'acharner à ce
qu'elles ne puissent jamais plus se refermer.
Cette
idée ne venait pas de germer, en mai 2014 nous étions dans un parc à Vilnius
savourant le retour discret des beaux jours avec une tripotée d'autres volontaires
européens quand le résultat des législatives européennes est tombé. La plupart
d'entre nous furent glacés d'en prendre connaissance. Nous primes rapidement
conscience de deux choses : la première, instantanée, fut de réaliser que notre
présence ici était bien le fruit de cette union politique et sociale, la
deuxième que fragile un spectre sordide était en train de l'habiller doucement
et qu'il pourrait de plus que ce que nous vivions là-bas ne soit pas à la
portée des générations qui nous succéderont.
Ce
jour de septembre 2016 un polonais, un espagnol et un français, assis au bord
du canal de l'Ourcq à Paris réalisaient amèrement que ce spectre avait pris de
l'ampleur. Que bon gré mal gré nous étions dans le même bateau. Alors comment
le faire avancer dans le bon sens ? Par comprendre et faire comprendre que ce
qui se passe à Rome impliquera forcement Vienne, que les enjeux écologiques ne
s'arrêtent pas aux frontières, qu'il est impossible de rester indifférents aux
sorts de nos plus proches voisins et ainsi de suite. Qu'il est peut-être
rassurant mais vain de penser que le repli sur soi viendra résoudre nos
problèmes et angoisses. Nous avons des clés en main et l'histoire nous a déjà
montré où le nationalisme et le populisme nous ont menés. Il faut aller plus
loin que l'union européenne comme moteur économique et politique, tout comme
celui-ci nous assure une force économique et diplomatique face aux autres
grands du monde, c'est une union des peuples au sein de l'Europe avec grand E
et non simplement de l'union qui nous permettra de créer une Europe des
Peuples, une Europe Sociale.
Cela
peut commencer tout de suite par s'intéressant réellement aux législatives,
européennes, souvent peu médiatisées, et y exercer son droit de vote. C'est
aussi prendre part aux projets culturels et humanistes qui existent mais dont
une fois de plus on n'entend pas assez parlé. J'étais au 20ans du service
volontaire européen qui s'est tenu à Montreuil les 22 et 23 septembre derniers
réuni avec d'autres européens de ma génération et d'autres. Les débats qui
devaient viser à améliorer de par nos expériences le programme ont tournés pour
certains auxquels j'ai pris part sur un questionnement politique plus large, là
encore le constat était le même : comment faire ensemble ? Emphaser ce genre
d'initiatives nous ait tous apparu comme une nécessité tant les externalités
socio - professionnelles sont grandes. Faut-il encore les mettre en avant,
alors qu'en Allemagne ce genre de programme est proposé au lycée avant de
passer l'Abitur (équivalent de notre Baccalauréat ndlr), il est dans d'autres pays plutôt inconnu. En France la
vedette est souvent volée par les programmes d'échanges universitaires, tout
aussi important pour y avoir également participé. Ce sont des moteurs pour se construire
ensemble, en se rencontrant on apprend à se connaitre et à se respecter, et
c'est à travers le respect qu'on avance.
Je
défends l'idée que notre génération ne pourra espérer mieux qu'à travers un
vivre ensemble européen, alors que des études nous montrent que nous sommes la
première génération à vivre moins bien que celle de nos parents. Pour se battre
ensemble contre la finance qui elle est bien organisée et unie, au niveau
européen comme à une plus large échelle. Avec l'union européenne donc mais pas
que, car celle-ci n'est premièrement pas irréprochable mais surtout car
l'Europe dépasse bel et bien les états membres. La jeunesse des balkans, la
jeunesse turque, ou ukrainienne pour ne citer que celles-ci partagent nos mêmes
espoirs. Pourtant pour eux l'accès à l'espace Schengen a un prix, un prix qui
peut-être prohibitif (de 35 à 99euros). J'étais en juin dernier à Marseille
avec des amis rencontrés au Kosovo : des natifs mais aussi des britanniques,
des français. Des kosovars néanmoins deux seules ont pu faire le déplacement.
Les autres n'ont pu s'offrir le visa ou ceux-ci leurs ont été refusés. Pourtant
nous nous retrouvions ici pour une chose simple et belle qu'est sensé être
l'euro de football où l'Albanie, largement supporter par le peuple de ce petit
état des Balkans, était qualifié pour la première fois. Pour un évènement
sportif qui dans son éthique se doit de prôner le fair-play et le vivre
ensemble tout le monde n'était pas invité.
C'est aussi à un
niveau citoyen et personnel qu'il faut s'interroger sur la dite identité
européenne. Un grand débat sur celle-ci ne risquerait-elle pas de nous faire
tomber sur des débats dangereux comme celui de l'identité nationale en France ?
Je pense que l'identité européenne n'est pas unicité ni univoque, de par son
caractère elle embrasse énormément de cultures. Une piste serait de la définir
justement comme l'identité de la différence, et le droit souverain à celle-ci.
Plutôt que de la construire uniquement sur ce qui nous rapproche, la comprendre
aux regards de ce qui nous éloigne. Le débat ne pourrait s'en trouver que plus
riche, car c'est bien la tolérance et le respect qui nous rassembleront.
Respect et tolérance de loin également les armes les plus puissantes pour
contrer les recrudescences nationalistes qui nous entourent et les fascistes
qui nous guettent.
1 Comentário:
Je trouve cette contribution très intéressante. La jeunesse aspire à une Europe, mais qui ne soit pas celle qui se construit dans les arcanes de Bruxelles. Une autre Europe est à construire celle des peuples, celle qui réponde d'abord aux intérêts des êtres humains et pas d'abord à la finance
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